Cluster 13

Projet Genre et culture

Représentations de la différence (Arts et littérature - XXe siècle).

27 avril 2007
contact : Benoit Auclerc, Gleize Jean-Marie

Présentation et objectifs : Ce projet, présenté conjointement par le Centre d’Etudes Poétiques (ENS LSH) et l’équipe Lecture et Réception du Texte Contemporain (Université Lyon 2), prolonge, regroupe et développe des travaux antérieurs, portant sur des œuvres d’écrivains femmes (Nathalie Sarraute, du tropisme à la phrase, Lyon : Presses universitaires, 2003), ou sur des artistes qui placent au centre de leur travail le questionnement de la représentation des genres (Gilbert & George / E 1, ENS Editions - Musée d’art moderne de Saint-Etienne Métropole, 2005 ; colloque consacré à Jean Genet, Université Lyon 2, octobre 2006).

Jusqu’à une date récente, la question des « représentations de la différence » semblait frappée d’un interdit théorique : la conception d’un « espace littéraire » (Blanchot) distinct des contin¬gences biographiques et sociales, l’idéal esthétique du « neutre » (Barthes) excluent en effet du champ de l’analyse de texte, d’image tout aussi bien, les caractéristiques singulières (sexe biologique, orientation sexuelle, etc.) de l’artiste. Mais interroger les représentations de la différence ne consiste certes pas à restaurer le biographique en facteur explicatif : il s’agit d’étudier comment les représentations de genre traversent les œuvres, sont investies ou contestées par elles, et constituent un enjeu tant du point de vue de la création que de la réception, enjeu encore largement méconnu.

Concernant le XX° siècle, de tels débats théoriques se posent avec d’autant plus d’acuité que les artistes se positionnent par rapport à eux, d’un point de vue tant esthétique que social. Deux exemples peuvent être convoqués pour préciser de point. L’universalisme de principe de Nathalie Sarraute gouverne ainsi sa conception du tropisme, qu’elle situe en-deçà des constructions de genre et de toute identité stable : ces drames traversent selon l’auteur indifféremment des personnages désignés par ils ou elles. De même, c’est au nom de cette conception que Sarraute rejette violemment toute interprétation de son œuvre qui ferait intervenir la problématique du genre. Pourtant, la déconstruction des stéréotypes (sexuels notamment) est bien présente dans cette œuvre, et mériterait d’être interrogée. A l’inverse, Monique Wittig, qui se situe dans une filiation revendiquée (de part et d’autre) avec Sarraute, théorise et revendique une écriture lesbienne (Le Corps lesbien, La Pensée straight). Au-delà d’une évidente opposition dans la stratégie d’écriture, on notera qu’utiliser le pronom féminin comme un universel à la place du « ils » que recommande la grammaire « normale » déstabilise certes la naturalité de l’idéal universaliste en mettant au jour ses présupposés idéo¬logiques, mais maintient à l’horizon du livre l’ambition que l’écrivain, avec ses déterminations singulières, s’adresse à tous. Cette articulation problématique de l’universel d’une part, des représentations des différences de l’autre, traverse de nombreuses œuvres, venues d’horizons très divers : lorsque Gilbert & George convoquent l’iconographie biblique pour se mettre en scène, ils interrogent les présupposés de l’histoire culturelle tout en niant le caractère significatif de la différence d’orientation sexuelle. Dans le domaine du body art, Michel Journiac, lors de ses actions qui mettent en jeu les rituels catholiques, appelle plus ou moins explicitement le public à une communion, tout en insistant sur la singularité du corps qui la suscite ; de même, dans une perspective certes différente, les « actions » de Gina Pane entendent faire du corps de l’artiste un médium construit à partir de traits biologiques, mais aussi sociaux.

La revendication d’une sexualité minoritaire dans l’écriture peut à l’inverse s’entendre explicitement comme objection à des représentations dominantes : les Tricks de Renaud Camus, où les rencontres sont mises en série, participent ainsi d’une remise en cause des schémas narratifs de la rencontre amoureuse, remise en cause qui est celle d’un modèle de société et ne concerne pas qu’une "communauté". De façon plus évidente, la figure du "putain" de Eden, Eden, Eden, de Pierre Guyotat, en subvertissant les modèles de virilité guerrière, jette un éclairage singulier (et scandaleux) sur la guerre d’Algérie. Du point de vue de la théorie littéraire, on pourra s’interroger également sur la construction de la notion de « littérature homosexuelle » comme catégorie critique : à quelles conditions est-il possible d’envisager Genet, mais aussi Proust ou Gide, comme des écrivains « gays » ?

Objectifs :
- Octobre 2006 : Ouvrage collectif Orlan, ENS Editions - Musée d’Art moderne de Saint-Etienne Métropole (ouvrage illustré en couleurs). Rédaction et publication, à l’occasion de la rétrospective consacrée à l’artiste née à Saint-Etienne qu’organise le Musée d’Art moderne, d’ un ouvrage écrit par des chercheurs et des étudiants de l’ENS sera publié en co-édition (ENS Editions / Musée d’Art moderne). Il prolongera la série initiée en 2005 avec l’ouvrage consacré à Gilbert & George, également édité en partenariat. Les articles seront notamment consacrés à la façon dont Orlan convoque et détourne les stéréotypes dominants des représentations de la femme, du Baiser de l’artiste, 1976, performance durant laquelle les spectateurs étaient invités à payer pour se faire embrasser par l’artiste, aux Opérations opera, opérations filmées qui affirment la possibilité d’une réinvention du corps au-delà des déterminismes biologiques et sociaux.

- Automne 2006 : Journée d’étude : Neutralisation et inscription de la différence dans les écritures poétiques contemporaines Alors que les années 1960 et 1970 ont connu des tentatives d’élaboration d’une « écriture féminine », les avant-gardes poétiques tendirent au contraire à l’effacement des déterminations singulières du sujet poétique, rejetant la question du féminin / masculin au second plan. Est-ce à dire que les problématiques des genres sont absentes d’œuvres comme celles d’Anne-Marie Albiach (dont le premier livre s’intitule Ecart) ou de Danielle Collobert, qui travaille pourtant le glissement et l’entrelacement des genres, notamment dans Il donc ? On verra par ailleurs comment, à la génération suivante, la question des représentations du Masculin / Féminin, est réinvestie de façon plus ou moins explicite, par exemple à partir du travail de Nathalie Quintane qui livre après livre explore différentes figures féminines pour en déconstruire les stéréotypes (Jeanne d’arc, Saint-Tropez - Une Américaine, Antonia Bellivetti). Les actes de cette journée feront l’objet d’une publication en ligne, éventuellement accompagnée d’une édition papier.



Établissements rhônalpins engagés :
— Université Lumière Lyon 2 (établissement porteur), ENS-LSH (établissement d’hébergement)
— INSA, Université Claude Bernard Lyon 1, Université Jean Moulin Lyon 3, Université de Savoie (Chambéry), Université Stendhal Grenoble 3, Université Pierre-Mendès France Grenoble 2, Université Jean Monnet Saint-Étienne

Le CNRS participe à travers ses chercheurs à temps plein et son rôle d’opérateur national auprès des unités de recherche ou de service dont il partage la tutelle avec les établissements précités, y compris l’Institut des Sciences de l’Homme.

Dans la seule limite de ses moyens, le cluster a naturellement vocation à faire bon accueil à toute proposition en rapport avec ses thématiques lorsqu’elle émane de collectivités territoriales, d’associations, d’institutions ou d’entreprises rhônalpines.